Interview de Christian Rocher, le photographe qui met en lumière le handicap

Lorsque j'ai vu les photos de Christian Rocher, j'ai tout de suite eu un énorme coup de cœur. Je suis heureux de vous le faire partager.
Christian Rocher réalise de superbes clichés de personnes en situation de handicap. Son souhait est de créer une passerelle entre les personnes valides et les personnes souffrant d'un handicap.
<< J’ai rencontré des personnes fragilisées certes, mais des personnes aimant la vie, ayant une âme, ayant un cœur comme tout un chacun. >> confit le photographe.
Après avoir été photographe de mode et dans la publicité, suite à un accident de vie, Christian Rocher se consacre à ces images qui nous permettent d'avoir un autre regard sur les différences.
Avec générosité, humanité et humilité, Christian Rocher a accepté de répondre à mes questions. Interview :

Dimitri : Comment êtes-vous venu à la photo ?

Christian Rocher : J'y suis venu à l'âge de 15 ans. C'est mon grand-père qui m'a initié à la photo. Il était passionné par l'image et réalisait principalement des portraits. Il avait d'ailleurs un labo photo et il développait lui-même ses photos.

Dimitri : Des photographes vous ont-ils influencé ?

Christian Rocher : Je suis admiratif du travail de Diane Arbus. J'aime son travail car elle montre la différence. Elle fut la toute première photographe à montrer les États-Unis sous un autre angle. Elle avait un regard très humain. 

Dimitri : Vous aviez une carrière de photographe dans le milieu de la mode et de la publicité. Pourquoi ce changement de style et cet intérêt pour les personnes en situation de handicap ?

Christian Rocher : J'ai fait des études de photos à Marseille. Par la suite je suis devenu photographe professionnel dans le milieu de la mode et de la publicité et j'ai ouvert un studio photo. Cela dit je ne me sentais pas à l'aise dans ce milieu que je trouvais trop superficiel. Ce n'était pas ma vocation première.
J'ai eu un accident de moto. Je me suis retrouvé paraplégique. J'ai passé 5 mois dans un centre de rééducation. C'est là que je me suis dit que la photo pouvait aider les personnes en situation de handicap à se réapproprier l'image de leurs corps.
Ce projet existe depuis maintenant 6 ans. J'ai photographié plus de 250 modèles, réalisé plus de 10 000 images et fais plus d'une trentaine d'expositions. Mon combat est de changer les regards. De les orienter vers l'optimisme. 

Dimitri : Est-il facile de convaincre des personnes en situation de handicap de poser pour vous ?

Christian Rocher : Moi-même étant handicapé, il y a une compréhension qui s'installe très vite avec mes modèles. Je n'ai pas un regard de voyeur. Je prends le temps d'aller vers l'humain pour que la personne se sente à l'aise. On prend un café, on discute de la vie. Ce sont toujours de belles rencontres. Mon but est de capter la lumière d'âme.

Dimitri : Vos clichés sont en noir et blanc, pourquoi ce choix du noir et blanc ?

Christian Rocher : Les photos en couleurs sont intéressantes pour photographier des vêtements. Le noir et blanc va plus loin, il me permet d'aller à l'essentiel.

Dimitri : Vos photos font l'objet de nombreuses expositions, dans quelles villes avez-vous exposé vos oeuves ?

Christian Rocher : il y en a beaucoup, Paris, Niort, Nice, Marseille, Monaco...

Dimitri : Que pensez-vous de l'image des personnes en situation de handicap dans la mode ?

Christian Rocher : Elles ne sont pas toujours montrées sous leur meilleur jour. Elles sont parfois déguisées en bimbo. Il faudrait montrer la personne pour ce qu'elle est réellement. Attention aussi au phénomène de curiosité ou de buzz !
Il est vrai que depuis le film "Intouchable", les regards ont évolué dans le bon sens. Mais cependant, je trouve par exemple dommage qu'au cinéma, un paraplégique soit interprété par une personne valide. Une personne en fauteuil peut être un bon comédien.

Dimitri : Nous arrivons à la fin de l'interview, Quels sont vos projets ? 

Christian Rocher : Plus j'avance et plus je suis intéressé par la différence, toutes les différences. Que ce soit par rapport à l'âge, le sexe, la couleur de peau. Je veux mettre en lumière ceux que la société a tendance à mettre de côté. Aller au-delà de l'apparence plastique.
J'ai récemment réalisé des clichés de personnes âgées. La beauté du cœur ne vieillit pas.